L'art des mots : affiner son langage au service de sa communication
Choisir les mots justes est un exercice difficile, mais ô combien important, que ce soit dans la communication écrite ou orale. Les mots sont les vecteurs de nos messages, ils transforment nos pensées, ressentis et émotions en une articulation précise et évocatrice. Mais cela n'est vrai que lorsque ces mots sont soigneusement choisis.
En effet, le langage, comme toute autre compétence, se travaille, s'entretient et se peaufine. La manière dont nous nous exprimons, l’usage ou non d’un certain niveau de langage, de termes plus ou moins adaptés à notre environnement, à nos standards personnels, et à ce que nous souhaitons refléter à notre interlocuteur, est essentielle pour maîtriser nos discours et nos habitudes de communication quotidienne.
L’impact des mots sur l’audience
Les mots ont un impact considérable sur les personnes qui nous écoutent et influencent directement la perception qu’elles ont de nous en tant qu’orateurs. Certaines terminologies et structures de phrases peuvent inspirer davantage de confiance, tandis que d’autres peuvent semer le doute chez le locuteur et, par conséquent, chez l’auditoire.
Prenons l’exemple suivant :
Certitude : "Nous avons pris la bonne décision, c’est la meilleure voie à suivre."
Doute : "Je pense que nous avons pris la bonne décision, c’est sûrement la meilleure voie à suivre."
Bien que ces deux phrases expriment des idées similaires, elles n'inspirent pas le même niveau de confiance chez l'auditoire. La première renforce la certitude et rassure par sa conviction, tandis que la seconde, plus hésitante, incite indirectement l'auditoire à remettre en question la décision.
Le choix des mots prend également une importance cruciale pour la précision du discours. Un vocabulaire riche permet de communiquer des idées complexes avec clarté, de faire résonner des pensées parfois difficiles à aborder, et de jouer avec la langue pour s'exprimer avec élégance, esthétisme et beauté. La langue française, notamment, nous offre une grande variété de mots et d'expressions à cet effet.
Prenons les exemples suivants :
Vocabulaire générique : "Il a dit qu'il n'était pas content de la situation."
Vocabulaire étendu et précis : "Il a exprimé son mécontentement face à la tournure des événements."
Vocabulaire générique : "La maison est grande avec un beau jardin."
Vocabulaire étendu et précis : "La maison est spacieuse, avec un vaste et agréable jardin."
Vocabulaire générique : "Le vent était fort pendant la tempête."
Vocabulaire étendu et précis : "Le vent soufflait en violentes rafales durant la tempête."
Dans ces exemples, les premières phrases font usage d’un vocabulaire simple et générique, tandis que les secondes, plus élaborées, évoquent des sensations et des images plus riches.
Ce même effet peut être obtenu en communication écrite, notamment littéraire, par l’usage de figures de style :
Vocabulaire générique : "Il est très courageux."
Figure de style (périphrase) : "Il a un cœur de lion."
Vocabulaire générique : "Le temps passait lentement."
Figure de style (hyperbole) : "Les minutes s’étiraient comme des siècles."
L’usage d’un vocabulaire riche permet ainsi de jouer avec la langue, en fonction de l’interlocuteur, du contexte, et de la pertinence de la forme et de l’usage, tout en évitant de limiter son expression à des mots aux définitions larges et génériques.
Voici quelques paires de mots pour illustrer ce principe :
Voir / Observer
Manger / Déguster
Fleur / Rose
Marcher / Flâner
Parler / Chuchoter
Bruit / Vacarme
Être heureux / Être euphorique
Odeur / Parfum
Fermé / Verrouillé
S'asseoir / S'affaler
Les premiers termes peuvent aisément se substituer aux seconds, mais ces derniers apportent des nuances supplémentaires et offrent des informations plus précises à notre interlocuteur. Par un simple choix de mot, la communication devient plus claire, plus raffinée, et plus agréable à l’oreille.
L’impact du choix des mots dans l’histoire
De nombreux discours ayant marqué l’histoire se distinguent par un choix des mots et une maîtrise du langage décisifs, captant leur auditoire et en conservant leur impact, leur clarté et leur portée à travers le temps.
Exemples :
"I have a dream" de Martin Luther King Jr. (1963)
Contexte : Prononcé lors de la Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté, ce discours est devenu un symbole de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis.
Choix des mots décisif : La répétition de la phrase "I have a dream" donne une puissance rythmique au discours et unifie les aspirations des Afro-Américains à l'égalité et à la liberté. Les formulations comme "they will not be judged by the color of their skin but by the content of their character." soulignent la vision d'une société juste et égalitaire.
2. "We shall fight on the beaches" de Winston Churchill (1940)
Contexte : Pendant la Seconde Guerre mondiale, Churchill a prononcé plusieurs discours pour remonter le moral de la nation britannique face à l'avancée des forces nazies.
Choix des mots décisif : L'utilisation de phrases comme "We shall fight on the beaches" et "We shall never surrender" a galvanisé la résistance britannique. Le ton déterminé et le langage direct ont inspiré une nation en temps de crise.
3. "Le serment du jeu de paume" de Jean-Sylvain Bailly (1789)
Contexte : En pleine Révolution française, les députés du Tiers État jurent de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution à la France.
Choix des mots décisif : Le serment contient des termes forts comme "ne jamais se séparer" et "rassembler nos forces" qui ont solidifié l'engagement des révolutionnaires et symbolisé la détermination du peuple à obtenir la souveraineté nationale.
4. "Discours de l'indépendance congolaise" de Patrice Lumumba (1960)
Contexte : Le jour de l'indépendance du Congo, Patrice Lumumba prononce un discours qui marque la rupture avec le colonialisme belge.
Choix des mots décisif : L'emploi de termes comme "nous ne sommes plus vos singes" a choqué les anciens colonisateurs et galvanisé les Congolais. Le ton affirmatif et la dénonciation directe du colonialisme ont marqué l'histoire de l'Afrique postcoloniale.
5. "Ask not what your country can do for you" de John F. Kennedy (1961)
Contexte : Lors de son discours d'investiture, Kennedy s'adresse aux Américains dans un contexte de Guerre froide et de tensions internationales.
Choix des mots décisif : La phrase "Ask not what your country can do for you – ask what you can do for your country" a résonné comme un appel à l'action et à la responsabilité civique, instillant un sentiment de devoir et de patriotisme chez les Américains.
6. "Ich bin ein Berliner" de John F. Kennedy (1963)
Contexte : En pleine Guerre froide, Kennedy prononce ce discours à Berlin-Ouest pour affirmer la solidarité des États-Unis avec les Berlinois face à la menace soviétique.
Choix des mots décisif : La phrase "Ich bin ein Berliner" (Je suis un Berlinois) a symbolisé le soutien des États-Unis à l'Europe de l'Ouest et à la lutte contre le communisme. Ce choix de mots a eu un impact émotionnel puissant sur le public berlinois et international.
Ces discours démontrent comment un choix précis des mots, associé à un rythme maîtrisé, peut transformer un simple discours en un moment historique inoubliable.
Conclusion
L’art des mots et l’élévation du vocabulaire sont des clés pour renforcer la qualité et l’impact de notre communication, aussi bien écrite qu’orale, et pour améliorer notre articulation en société.
Veiller à la qualité de mon élocution est pour moi un exercice primordial, faisant partie de mon style et de mes standards personnels de vie. Je m’attache à maintenir cette qualité au quotidien par l’enrichissement de mon vocabulaire, le choix d’un niveau de langage adapté, la lecture, l’écriture, l’écoute de prises de parole, et le travail sur ma communication.
Dans un prochain article, nous explorerons des techniques pour développer un vocabulaire riche et apprendre à jouer avec la langue avec aisance et confiance.
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